Métro lausannois : faire campagne pour les villes

Le métro lausannois doit être réalisé. Pour un ensemble de raisons relevant notamment de la politique des transports, de la cohérence urbanistique, du développement socio-économique, de la qualité de la vie et de la protection de l’environnement, cette infrastructure est nécessaire. Pourtant, rien n’est acquis. Et, au-delà de la polémique actuelle des questions techniques ou financières, le débat révèle la méfiance traditionnelle de la Suisse à l’égard des centres urbains. Dans ce pays, les villes n’existent pas. Leur apport n’est pas reconnu à sa juste valeur. Leur rôle et leur développement ne font l’objet d’aucune vision, ni d’aucune politique.

En fait, cette attitude tient à deux préjugés. « La ville est le siège du mal », dit le premier. « Tout ce qui est donné à la ville est injustement pris à la campagne », ajoute le second. Or, les villes ne sont pas ces cancers de nuisances et de malheurs que postulent des rêveries alpestres où la campagne ne serait que joie et bien être. Foisonnantes et multiculturelles, elles sont les centres nerveux du grand orchestre humain. Novatrices et vibrantes, elles stimulent en permanence leurs sociétés. Qui dira un jour l’extraordinaire qualité de vie qu’offre une ville où se conjuguent travail, formation, recherche, loisirs, culture, rêves et rencontres ? Qui dira la force et la beauté d’une ville qui se sait ville, sans arrogance, mais aussi sans culpabilité ? Quant à la mainmise des urbains sur les ressources au détriment des ruraux, elle relève du fantasme. Aujourd’hui, ce ne sont plus les campagnes qui nourrissent les villes, mais l’inverse. Il faut en finir avec le  » syndrome de Château d’Oex  » qui voit dans l’activité lémanique la cause des difficultés de l’arrière pays. Au contraire, plus un centre est fort, plus sa capacité d’irradier la périphérie est grande. En quoi l’affaiblissement de Lausanne servirait-il Avenches ?

On le voit, l’excellente formule de « métro pour le canton » est difficile à vendre, parce qu’elle ne repose pas sur une perception de l’importance réelle des centres urbains suisses. Il est donc temps d’avoir le courage de faire campagne pour les villes, à tous niveaux. Les villes elles-mêmes doivent oser s’affirmer. Il est significatif de constater que les édiles lausannois ne peuvent défendre ouvertement leur cité, de peur de mécontenter l’opinion. En outre, rien n’empêche les villes suisses de faire cause commune et de travailler ensemble sur certains dossiers. Au plan vaudois, une politique spécifique villes-campagnes devrait viser à réduire les antagonismes séculaires à l’intérieur du canton. Mais c’est surtout à l’échelon national que manque une conception globale des phénomènes urbains.

Dans l’Union européenne, dont bien sûr la politique ne nous intéresse pas, les villes sont prises en compte. Les instances concernées sont nombreuses, les analyses innombrables. Dans le rapport « Villes durables européennes », présenté par la Commission européenne en mars 96, une réflexion générale concrétisée par des « options politiques » est élaborée. Les « systèmes urbains européens » sont présentés comme des « écosystèmes » comparables appelant des mesures similaires. En matière de transports, l’ensemble des propositions souligne que « la mise en place d’un système de mobilité écologiquement rationnel constitue une condition préalable vitale pour l’environnement, y compris social, et de la viabilité économique des villes ». Mais cette priorité ne concerne pas que l’échelon local, et les « objectifs de mobilité et d’accessibilité urbaines doivent être considérés à la lumière des politiques nationales et internationales dans le domaine des transports et de l’environnement. « Que la Suisse, championne des questions de transport et d’environnement, applique donc ses principes à ses villes. La mobilité et l’accessibilité lausannoises attendent avec impatience d’être considérées à la lumière des vertueuses politiques helvétiques.