La loi du Talion

Pour des raisons tactiques, le Conseil national a décidé de concrétiser l’initiative sur «le renvoi des criminels étrangers» sans se soucier de l’Etat de droit. Désireux d’éviter à tout prix une nouvelle votation sur ce thème, il a suivi à la lettre les recommandations de la seconde initiative UDC dite «de mise en œuvre». Il s’agit bien sûr d’empêcher les nationalistes de remporter une nouvelle victoire en criant au non respect de la volonté populaire.
Les élus se sont donc accommodés de la violation du «principe de proportionnalité». Et si le Conseil des Etats suit la Chambre du peuple, des dispositions contraires aux droits fondamentaux seront insérées dans la législation suisse.
Le principe de proportionnalité n’est pas un vague concept éthéré de juriste élitiste, mais un fondement du droit. Permettre qu’un délit mineur, comme la perception abusive de prestations sociales, déclenche une sanction majeure, telle que l’expulsion, constitue une régression ahurissante de la justice.
Inscrite dans la nuit des temps, la Loi du Talion proscrit déjà les jugements disproportionnés. «Œil pour œil, dent pour dent» dit cette règle qui apparaît dans le Code d’Hammurabi, dix-sept siècles avant Jésus-Christ. Progrès décisif dans l’exercice de la justice, la Loi du Talion introduit le principe de proportionnalité. Elle interdit que celui qui s’est fait voler trois moutons par son voisin tue ses fils en représailles.
Réalise-t-on que la Suisse de 2014 baigne dans un tel populisme que le droit pénal pourrait revenir trois mille ans en arrière ? Pas à pas, l’UDC nous fait quitter la voie de la civilisation, tout en nous poussant vers la pente de la barbarie.