Non à la stigmatisation du Parlement

Dans son éditorial du 8 avril, Mme Judith Mayencourt semble fascinée par Christoph Blocher. Elle voit dans sa candidature au Conseil des Etats un « retour en pleine lumière ». Ironie ou enthousiasme ? Peu importe, nul ne songe à dicter à la presse ses goûts et ses couleurs. Par contre, son propos inquiète quand il peint un leader de l’UDC « transparent et démocratique » qui donnerait « une belle leçon » aux « comploteurs de 2007 ». Même involontaire, cette stigmatisation des parlementaires exige un rappel des faits.

Tout d’abord, M. Blocher n’avait pas été élu Chef de la Suisse à vie, mais Conseiller fédéral pour quatre ans, charge soumise à la loi. Durant son mandat, le magistrat a ruiné sa propre cause. Considérant que les règles qui s’appliquent aux autres ne le concernaient pas, il a appelé le peuple à voter contre le gouvernement dont il était membre, critiqué la justice qu’il devait protéger, outrepassé les compétences dévolues à sa fonction. Plus de trente fois, il a attaqué des principes aussi fondamentaux que la collégialité (article 177 de la Constitution) ou la séparation des pouvoirs (article 191 c de la Constitution). Documentées, ces violations des lois n’ont jamais été contestées ; au contraire, elles ont choqué les esprits parfois jusque dans les rangs UDC.

Les parlementaires ne sont ni sourds, ni aveugles. Pendant quatre ans, ils ont observé certaines dérives et ils ont pris la décision de les stopper en toute connaissance de cause. Pour ce faire, ils ont réfléchi, discuté, négocié ; puis, le moment venu, ils se sont organisés pour obtenir une majorité. Où est le scandale ? Tous les Parlements du monde fonctionnent ainsi ! C’est même leur vocation que de convertir la diversité des courants en décision. Un vote est donc souvent le résultat d’une somme d’alliances et d’évaluations complexes. Bref, en 2007, les élus du peuple suisse n’ont fait que leur devoir ; et ceux qui ont pris leurs responsabilités peuvent le revendiquer la tête haute.

En fait, la non réélection de M. Blocher a non seulement rassuré sur la capacité du système à se protéger de captations insidieuses du pouvoir, mais encore apaisé un pays inquiet de la transformation de l’exécutif en estrade populiste. Pour preuve, dix-sept mille personnes ont couru spontanément à Berne soutenir sous une pluie battante Mme Widmer-Schlumpf, élue au Conseil fédéral et violemment agressée par des blochériens incapables d’accepter le verdict des urnes.

Par bonheur, la Suisse est encore un Etat de droit comprenant une Constitution, des lois et un Parlement bicaméral ; et si ses fonctionnements ne semblent plus adéquats, alors il convient de soumettre au peuple de nouvelles règles. Aujourd’hui, la non réélection de Christoph Blocher en 2007 et sa candidature zurichoise en 2011 sont la même manifestation sereine d’une démocratie transparente. Seules sont glauques les insinuations qui traitent nos parlementaires de comploteurs, dans un amalgame inacceptable et une volonté de nuire aux institutions qui rappellent de bien tristes souvenirs.

François Cherix

Député socialiste au Grand conseil vaudois