La Suisse, parfaite et mélancolique

En apparence, tout est parfait. La Suisse est riche, plus riche que ses voisins. La vie y est agréable, attirant de nouveaux habitants. Ses institutions sont solides, parmi les plus stables de la planète. Si le confort et l’argent sont les indices du bonheur, alors quelle joie d’être Suisse!
Mais pourquoi cette réussite génère-t-elle un pays anxieux, nationaliste, xénophobe, impitoyable avec les moins privilégiés ? Pourquoi se dit-il en guerre contre ses voisins, l’Union européenne, les Etats Unis, l’OCDE, le monde entier ? Pourquoi la prospérité n’engendre-t-elle pas la sérénité, mais des gémissements pareils aux cris d’Harpagon croyant qu’on lui a dérobé sa cassette ?
Petite découverte estivale. Désormais, dans les hôtels italiens, le voyageur suisse doit signer une déclaration certifiant qu’il ne visite pas la Péninsule pour démarcher de potentiels fraudeurs fiscaux ou conduire quelque affaire illégale.
Voilà qui en dit long sur les conséquences de tant d’années où la Suisse a développé les pratiques que l’on sait. Aujourd’hui, les démocraties ne les acceptent plus ; du coup, les voilà déclarées ennemies. Simultanément, nombre d’instances supranationales tentent de réguler la finance ; donc, il convient de les freiner ou de s’en tenir à l’écart.
Ce 1er août 2013 a un parfum d’aigre-doux. La Suisse est  riche, mais pauvre en amis. Voilà peut-être la raison de ces affirmations narcissiques et belliqueuses. Qui bombe le torse, fier de sa fortune, croyant ne rien devoir à personne, cache en fait sa peur de la solitude, source d’une indicible mélancolie.