Confusion démocratique

La mise en œuvre de l’article 121a de la Constitution adopté le 9 février 2014 devient tragicomique.
La quadrature du cercle consistant à tenter d’appliquer soigneusement l’initiative contre l’immigration de masse, sans détruire la Libre circulation des personnes, ni fragiliser les accords bilatéraux, génère une foule de contradictions.
Ainsi, tout en rêvant d’éviter ses conséquences, le Conseil fédéral met en œuvre de manière stricte la décision du peuple, dont la volonté n’est pas clairement établie, sous la pression de l’UDC, qui critique ce respect de son texte, parce qu’elle y voit une stratégie pour organiser un vote correcteur, alors qu’elle s’accommoderait parfaitement d’une violation de ses propres revendications, qui lui permettrait de lancer une nouvelle initiative, dont les conséquences ne lui importeraient pas davantage.
Peut-on imaginer situation plus absurde ? Chacun semble faire le contraire de ce qu’il souhaite, dans l’espoir que son action échoue, pour que s’ouvrent de nouvelles marges de manœuvre.
On pourrait en rire. Ou croire à des dérives juridiques ou politiciennes. En réalité, la confusion démocratique est à son comble, parce que le fonctionnement même de la démocratie directe est devenu illisible. Tant que les initiatives restaient rares et leur victoire rarissime, aucune question ne se posait. Dans la démocratie d’opinion qui voit les approbations se multiplier, comme autant de sondages sans grande importance, certaines interrogations sont devenues incontournables.
Est-il possible de soumettre aux citoyens des articles dont même leurs auteurs ne parviennent pas à définir la portée ? Est-il concevable de chambouler la Constitution au terme de débats de société souvent sans rapport avec les effets des dispositions discutées ? Est-il sage de mettre en danger nos accords internationaux comme s’ils ne dépendaient que de nous ?
Autrement dit, peut-on produire des normes constitutionnelles pertinentes en les soumettant à une commission de rédaction qui comporte des millions de membres et ne peut dire que oui ou non au texte proposé, sans pouvoir l’amender, même s’il comporte des risques évidents, et ceci au terme d’un seul débat ?
S’agissant du droit d’initiative, la Suisse, qui aime tant donner des leçons de démocratie, gagnerait à retourner en apprentissage.