RASA ou le temps des décisions claires

Crédule, la Suisse a suivi les chimères de l’UDC. Divinisant la démocratie directe, elle s’est fragilisée par des votations multiples aux conséquences incertaines. Diabolisant l’Europe, elle a saboté ses relations avec l’Union. Détournant l’histoire, elle s’est réfugiée dans des mythes passéistes.

Or, l’UDC est une machine à perdre! A terme, son action est vouée à l’échec. Parce qu’ils sont insensés, ses objectifs n’ont aucune chance de se réaliser durablement. Située au cœur du projet européen, la Suisse ne pourra jamais s’en affranchir. Soucieuse de sa stabilité juridique, elle devra réguler sa démocratie directe. Urbaine, elle ne redeviendra pas une petite méritocratie alpine.

Toutefois, l’UDC a la capacité d’entraîner, même provisoirement, le pays au fond d’un ravin, dont il sera très pénible de sortir. En fait, comme pour tous les mouvements populistes, la question n’est pas de savoir si les nationalistes suisses échoueront, mais quand ils seront mis hors d’état de nuire et au terme de quelles déprédations.

C’est tout l’enjeu des élections fédérales 2015. En effet, la prochaine législature sera décisive. Dans quatre ans, soit la Suisse aura reprit son intégration européenne, rénové sa démocratie et retrouvé le goût de l’innovation. Soit elle aura poursuivi ses régressions politiques et mentales, avec de graves conséquences économiques et sociales.

La Suisse déteste choisir. Elle croit toujours le statu quo préférable au moindre mouvement. Elle privilégie les demi-mesures même quand celles-ci n’apportent rien. Le problème est que certaines périodes de l’histoire exigent des orientations claires et précises. Pendant de longues années, la Suisse a pu naviguer à vue, marcher à reculons, tenter de gérer ses pulsions nationalistes sans les combattre. Cette procrastination politique n’est plus possible.

L’initiative RASA illustre parfaitement ce phénomène. En demandant une abrogation pure et simple des dispositions constitutionnelles contre l’immigration adoptées le 9 février 2014, elle propose une solution drastique. Ce n’est pas par hasard qu’une démarche aussi tranchée apparaît maintenant sur la scène politique. D’une part, les normes voulues par l’UDC ont créé un imbroglio ingérable. D’autre part et surtout, la Suisse ne peut plus tergiverser : elle doit choisir entre faire cavalier seul ou s’associer à l’Union, se recroqueviller dans un conservatisme nostalgique ou devenir un Etat moderne.

Certes, la brutalité de RASA rend son acceptabilité délicate, mais elle comporte aussi un triple mérite. Premièrement, elle préserve une issue de secours, quand toutes les pistes visant à concilier la restriction de la libre circulation des personnes et le maintien de la voie bilatérale s’avèreront impraticables. Deuxièmement, elle rappelle de manière tangible que la moitié des citoyens a refusé les propositions de l’UDC, constat susceptible de donner un peu de courage à un Conseil fédéral qui en manque tant. Troisièmement, elle indique que le peuple peut toujours revenir sur ses propres décisions, notamment quand il a été induit en erreur par une votation préconisant des contingents sans dire ouvertement que leur introduction entraînerait de facto la rupture des accords signés avec l’UE.

Cet automne, les citoyens devraient s’interroger sur l’UDC avec une netteté similaire à celle adoptée par la démarche RASA. Compte tenu des enjeux de la prochaine législature, n’est-il pas urgent d’organiser la décrue de la formation populiste? L’attentisme est-il encore possible ? Ne faut-il pas trancher dans le vif et donner une victoire sensible aux partis classiques ? N’est-ce pas du masochisme que de prolonger une calamiteuse domination d’un nationalisme haineux, qui ne produira jamais la moindre solution ?

Pour sortir de la crise européenne, l’issue risque bien de se nommer RASA. Pour éviter que la Suisse tombe au fond du ravin populiste, il convient de réduire nettement les effectifs de l’UDC aux Chambres fédérales. Le temps des décisions claires est venu.