Constituante vaudoise : le pouvoir est au bout du stylo

Soleil. Chaleur. Vacances. Le pays de Vaud dort, immobile dans son bel été. Rien ne semble devoir altérer la douceur des soirées ni la quiétude des esprits. Pourtant, d’une certaine manière, le destin des Vaudoises et des Vaudois s’affine secrètement. En tout cas, certains enjeux sont en train de se décanter. En organisant de mi-juin à mi-septembre une vaste consultation sur son avant-projet, la Constituante met en discussion les grandes orientations de la Charte fondamentale appelée à régir l’avenir du canton. Certes, il s’agit d’une simple étape dans un processus politique encore long. Mais c’est une opération lourde de sens, non sans dangers, qui aura des effets durables.

Quatre phénomènes rendent cette consultation délicate. Premier écueil avec l’indifférence du public face au politique. Il faut que les citoyennes et les citoyens se saisissent de l’affaire. Sinon, les réactions se limiteront au microcosme politicien. Suivant leur couleur, états-majors, appareils et professionnels de la vie publique reproduiront les affrontements des élus à la Constituante, dans un joyeux cannibalisme improductif. Dans ce cas, les résultats obtenus ne renseigneront que très modestement sur les attentes des habitants. L’illustration de ce danger est donnée par les premières analyses du Centre patronal que 24 Heures vient de rapporter. Comme chacun pouvait aisément le prévoir, rien ne leur plaît. Ni l’assurance maternité cantonale, ni les droits politiques accordés aux étrangers, pas davantage l’organisation territoriale, encore moins la Cour des comptes, pas même le service de médiation. Que faire de cette évaluation ? L’assimiler à celle du monde économique ? Surtout pas. Comment savoir si les membres de ce lobby partagent l’opinion de leurs dirigeants ? Voir dans cette méfiance l’expression d’une chapelle fidèle à ses idéologies et à son conservatisme suranné ? Un peu court. En fait, seule l’addition d’un grand nombre de réactions individuelles d’acteurs économiques aussi divers que possible livrera des informations crédibles.

Deuxième problème avec le risque que les intervenants se cantonnent dans la critique. Dire ce qui dérange, sans chercher plus loin, est une tendance aussi naturelle que compréhensible. Toutefois, une estimation correcte de l’impact des propositions sera difficile, si ceux qui soutiennent l’un ou l’autre article ne se manifestent pas. Souligner ce qui paraît positif, réactiver des pistes abandonnées, proposer de nouvelles solutions devrait aussi mobiliser l’opinion. Les quelques novations du projet auront en effet de la peine à résister si la prise de température donne uniquement l’image d’une fièvre urticante.

Une autre difficulté tient à la probable focalisation des réponses sur des sujets émotionnels, au détriment des enjeux institutionnels. Ainsi, pour les étrangers, les droits politiques sont fondamentaux. Ils leur sont dus. C’est une question de logique et d’équité. Mais pour le reste de la population, cette question ne produit pas d’effet réel. Ni la vie du canton, ni ses institutions ne seront réellement modifiées par une légère augmentation du nombre des votants. A l’inverse, le système de gouvernement qui risque d’être considéré comme un thème de spécialistes détermine l’exercice du pouvoir, le fonctionnement de l’Etat et des partis, voire, à terme, les objectifs et les mentalités.

Dernier danger avec l’attitude de la Constituante. Elle devra éviter à tout prix de considérer la consultation comme un sondage. Il s’agira d’utiliser le matériel recueilli avec beaucoup de précaution. Fidèle à son devoir de vision prospective, elle devra privilégier l’indépendance d’esprit et la recherche de solutions de qualité. Paradoxalement, dans ce défi, elle n’a qu’un allié : chacun d’entre vous. Citoyennes, citoyens, à vos écrans, à vos stylos : critiquez, commentez, mais surtout proposez ! Redoublez d’imagination et d’audace, il en restera forcément quelque chose.