Elections fédérales, une stabilité riche en ruptures

Un bel été brûlant s’achève sur les premières lézardes de l’automne. La Suisse glisse doucement vers les élections fédérales. Malgré l’activité des partis et des médias, rien de surprenant n’est attendu. Confirmant les évolutions de deux décennies, les tendances sont connues. Le centre poursuivra sa lente érosion, tandis que le PS et l’UDC vont encore se renforcer. Pourtant, cette image de continuité prévisible est trompeuse. Elle cache de profondes fissures. Elle masque de nouveaux enjeux.

Christiane Brunner et Christoph Blocher s’affrontent dans L’Hebdo. Naturellement, ils s’opposent en tout, sauf à se retrouver ensemble au Conseil fédéral. Sur sa composition, leurs réflexions dessinent un étrange ballet. Madame Brunner estime qu’en cas de progression de l’UDC la logique démocratique voudrait qu’un deuxième siège lui soit accordé. Monsieur Blocher pense que la logique des autres partis bourgeois sera de le lui refuser. D’une certaine manière, tous deux se font une raison qui ne sert pas leur raison d’être. D’une certaine manière, tous deux ne veulent pas de réforme du système de gouvernement, mais sont conscients que leurs propres victoires pourraient indirectement la susciter. La fracture entre la réalité politique du pays qui tend à devenir bipolaire et une gestion collégiale est patente. La fracture entre une opinion qui aspire à des orientations claires et des institutions qui en sont la négation s’agrandit. Et pour la première fois, ce débat devient visible, lisible, public, porté par ceux là même qui ont toujours souhaité l’occulter.

Simultanément, de nouveaux moyens de communication débarquent en force. Sur le web, samrtvote.ch et politarena.ch transforment une volée de questions basiques en recommandations électorales. De plus, un nombre grandissant de candidats développent leur propre site. Ces instruments novateurs facilitent l’accès aux citoyens et devraient stimuler la créativité politique de ceux qui les mettent en oeuvre. Hélas, les messages transportés par ces canaux branchés restent étonnement convenus. De même, l’agressivité des chefs de partis dans leurs shows contraste avec la prudence de leurs propositions. Puissance de la communication, présence forte des médias, personnalisation de la campagne, mais pauvreté des contenus. Pour la première fois, le désarroi des candidats se lit moins dans la difficulté à se faire entendre que dans celle à formuler des solutions répondant au désarroi de l’opinion.
Mille autres fissures se dessinent sous la stabilité. Quels seront les repères cet automne et durant la nouvelle législature? Le pays réel ou ses paralysies institutionnelles? La Suisse post-industrielle ou ses discours traditionnels? Le temps des maturations a été long. Et si la saison qui vient n’est peut-être pas encore celle des fruits, elle est déjà celle des ruptures. D’ores et déjà, autant par ce qu’elle dissimule que par ce qu’elle dit, cette campagne électorale est stimulante.