La politique s’est vengée

Soirée électorale surréaliste et pitoyable. Certifiée fréquentable, l’UDC a été fréquentée. Banalisé et garanti moins dangereux que ses cousins européens, le nationalisme suisse a triomphé. Et face au désastre prévisible, annoncé, programmé, les autres partis bredouillent, montrant une totale impréparation. Difficile d’assister au petit théâtre de ceux qui rêvent encore d’une UDC consensuelle et de ceux qui déjà s’accommodent du pire. Naturellement, pas de piste pour l’avenir. La manière dont ceux qui ont déroulé le tapis rouge à l’UDC entendent se retrouver autour du tapis vert pour négocier avec elle est laissée à l’imagination du téléspectateur.

A cet égard, l’intervention de Dominique von Burg fut révélatrice: « De toute façon, l’UDC et les Socialistes sont obligés de s’entendre, puisque le système suisse oblige à la concordance en raison de la démocratie directe ». Hélas, ce postulat n’est qu’illusion. D’une part, l’intersection entre les objectifs du PS et ceux de l’UDC est vide. Impossible d’inventer des points communs dont la revendication factice serait d’ailleurs choquante. D’autre part, le prétexte de la démocratie directe pour maintenir à n’importe quel prix tous les partis au pouvoir ne tient plus. Voilà des années déjà que le référendum et l’initiative servent de lance-missiles aux partis gouvernementaux contre le Conseil fédéral ou le Parlement. La présence à l’exécutif ne garantit nullement la neutralité de la formation représentée. Même avec deux ministres, un parti peut jouer les opposants contraints de recourir à la démocratie directe pour sauver ses idéaux.

La Suisse doit faire ce qu’elle abhorre. Choisir. Cette exigence torture le centre. Elle trouble aussi Mme Brunner, qui, faute d’accord avec le PRD et le PDC, s’en remet à une arithmétique donnée pour inéluctable. Autant subir une concordance à quatre, puisqu’il n’existe pas de convergence à trois. La proportionnalité sert à masquer l’absence de volontés communes. On est ensemble parce qu’on doit. On fait le peu qu’on peut faire ensemble. Cette gestion a trouvé sa limite. Il faut renverser la vapeur. Partir d’une plate-forme pour en déduire une coalition. Elle sera de centre gauche ou de centre droit. Elle ne comportera plus les quatre partis actuels. Et alors?

Fin de soirée. Christophe Blocher confirme sa candidature au Conseil fédéral. Indignations. Existait-il des naïfs pour croire qu’il resterait à l’écart? Manœuvre, disent certains pour se rassurer. Ont-ils vu son visage? Ont-ils senti l’attente de ses troupes? La fatigue envahit l’écran. Personne de sensé ne parierait un centime sur une collaboration crédible entre la gauche et une UDC dure, fermée, farouchement isolationniste. Pourtant, l’expression « trouver des solutions » revient. Incantatoire. Révélation, pour une fois le modèle suisse implique la dispute. Et la seule concordance possible s’appelle coalition. Révolution, par nature le modèle suisse écarte la politique. Et la politique s’est vengée.