Offshore

Offshore ou onshore? Au large ou sur la rive? Dehors ou dedans? Question existentielle qui tourmente la Suisse dans sa relation avec l’Europe. Depuis des décennies.

Dernier épisode, la commission des affaires extérieures du conseil des Etats vient de recommander de ne pas retirer la demande d’adhésion gelée à Bruxelles. Fort bien. Sauf que la motivation est consternante. Il s’agit surtout de ne pas donner un signe négatif aux européens avec qui nous sommes en négociation. Faisons semblant de vouloir adhérer, pour que l’UE nous traite avec bienveillance et que grâce aux faveurs obtenues nous puissions continuer à ne pas adhérer. Fine stratégie. Grosse ficelle. Quant au fond, à savoir où allons-nous, il n’est pas abordé. Les spécialistes des affaires extérieures peuvent se prononcer sur la demande d’adhésion sans évaluer l’adhésion elle-même.

Simultanément, on apprend que l’approche bilatérale a du plomb dans l’aile. L’impasse semble programmée. Quel est le plan B? Le plan B consiste à s’en tenir au plan A. On s’accroche au rêve d’une troisième voie, ni dehors ni dedans, bien que les faits démontrent son inexistence.

Dehors ou dedans cette fois avec Christoph Blocher. Doit-il entrer au Conseil fédéral? Les stratèges s’affrontent. Comment le neutraliser. Comment affaiblir l’UDC. Tous les paramètres sont décortiqués. Son futur comportement au sein du collège. Sa capacité de nuisance à l’extérieur. Pourtant, un élément décisif n’apparaît pas. M. Blocher est le président en exercice de l’ASIN qu’il a d’ailleurs fondée. Sous sa houlette, depuis des lustres, l’ASIN se livre à des attaques contre l’UE d’une violence inouïe. Il serait peut-être utile de se demander si le chef d’une officine aussi haineuse a qualité pour faire partie des sept sages et représenter la Suisse. Mais pour la classe politique, l’ASIN n’existe plus, ni ses propos outranciers.

Pourquoi la question européenne nous effraye-t-elle tant que nous la rejetons en permanence et sous toutes ses formes? En fait, ce n’est pas la question mais la réponse qui nous ravage. Parce qu’elle est là. Invisible, mais palpable. Muette, mais obsédante. Il n’est de Suisse qu’européenne. Un jour, nous devrons être onshore. Même les plus farouches partisans du réduit national pressentent cette évidence. Même leur ferveur nationaliste ne parvient pas à l’éliminer de leur inconscient collectif.
Miser sur la place offshore ne suffira pas. Accumuler les milliards sous gestion ne suffira pas. Nier la politique européenne ne suffira pas. S’affirmer ne suffira pas. Aucun élan ne viendra d’une Suisse confite dans son jus. Aucune société ne se régénère sur elle-même. Seule la mise hors de notre base de sustentation créera le mouvement. Seul le projet européen fera moteur. Un peuple ne grandit que de ce qui le dépasse. En restant éloignés de l’Europe pour protéger nos traditions et nos désirs, c’est leur vitalité que nous exilons. Tant que nous sommes offshore, nous sommes largués. Au large. De nous-mêmes.