L’Hebdo

La punition Parmelin

Par paresse, le Parlement n’a jamais réformé l’élection au Conseil fédéral pour lui donner un semblant de cohérence programmatique. Construction arithmétique, le Collège n’est plus qu’une somme aléatoire de personnalités aux objectifs divergents. Par lâcheté, les Suisses n’osent pas affronter l’UDC, ni même ouvrir les yeux sur les dangers qu’elle représente. Désormais renforcée, l’influence croissante au sommet de l’Etat d’un mouvement populiste, souverainiste, europhobe et xénophobe est considérée comme « un retour à la normale ».

Les fautes d’une société suisse, riche matériellement mais d’une grande pauvreté morale, se payeront cash. Une première addition est présentée aujourd’hui. En effet, il convient de l’admettre, l’élection de Guy Parmelin constitue une véritable punition collective.

Punition d’abord pour les leaders de l’UDC, qui voulaient impérativement placer le tranchant Thomas Aeschi au pouvoir. Croyant assurer l’élection de leur champion en l’encadrant de troisièmes couteaux, ils sont tombés dans leur propre piège. Aujourd’hui, ils doivent se contenter de voir l’un de leurs éléments les plus ternes entrer au Conseil fédéral. Combien de temps, d'ailleurs, le supporteront-ils avant de critiquer sa mollesse ?

Punition également pour les Romands, tristement « représentés » par un UDC, qui a travaillé contre leurs intérêts, en contribuant au sabotage des accords avec l’Union européenne. Les voilà censés se réjouir de l’accession au Conseil fédéral d’un troisième francophone, alors que celui-ci doit sa couronne aux idées nationalistes qui leur nuisent le plus.

Punition particulièrement amère pour les Vaudois, qui comptent des politiciens professionnels de très haut niveau et doivent fêter un sympathique amateur. Une fois de plus, le canton est renvoyé à sa caricature. Le cliché insupportable du Vaudois terrien convivial, gentil, opportuniste, peu dangereux parce que peu compétent, est à nouveau projeté sur l’écran fédéral.

Mais punition, surtout, pour le pays tout entier, qui doit affronter des défis importants et devrait pouvoir compter sur ses meilleurs serviteurs. Or, perdre Mme Widmer-Schlumpf, femme d’Etat de niveau international, pour se replier sur un député dont la discrétion a fait son succès n’est guère rassurant.

En réalité, le Conseiller fédéral Parmelin dispose d’un seul atout, non négligeable. Nul n’attend quoi que ce soit de sa magistrature. Tous espèrent que les hauts fonctionnaires guideront son action et l’aideront à ne pas commettre d’erreurs. Si le système fonctionne convenablement, le prochain grand événement du règne de M. Parmelin sera donc son départ.

Voit-on ce que signifie ce phénomène, certes crûment résumé ? Il indique que l’arithmétique ne peut pas présider à la composition pertinente d’un vrai gouvernement. Parce que l’accession d’un second UDC au Conseil fédéral a été considérée comme une règle de droit divin, le Parlement n’a eu d’autre choix que d’élire le plus effacé, pour préserver l’intérêt général. La pâleur des ministres sert désormais de compensation à la force qui oppose les populistes aux partis classiques. Comme le char de l’Etat est tiré par des hommes regardant dans des directions diamétralement opposées, on y attelle les serviteurs les moins vigoureux, pour limiter les ruptures et les dégâts sociétaux.

Autrement dit, la majorité des représentants du peuple aimerait peut-être bien ne pas confier le pouvoir à l'UDC, mais, dans la culture politique actuelle, elle n'ose l'écarter. Dès lors quelle autre solution, si ce n'est l'affaiblir? Et que peut faire la gauche, à part éviter l'arrivée des pires au pouvoir?

Corollaire de ce premier constat, alors que l’Europe traverse des turbulences historiques qui réclament des visionnaires, la Suisse s’accommode de voir son Conseil fédéral sombrer doucement dans l’insignifiance. Au fond, à la décharge de M. Parmelin, les attentes à l’égard de ses six autres collègues sont également modérées. Qui attend encore une solution à la question européenne de M. Burkhalter ou de Mme Sommaruga ? Qui espère un projet socio-économique de M. Schneider-Amann ? Qui compte sur les visions géopolitiques de M. Maurer ?

Parce que les votations sont devenues la quintessence de la démocratie suisse, le Conseil fédéral s’efface peu à peu du débat politique. Or, demain, c’est son réveil qu’il faut souhaiter! C’est sa capacité retrouvée à confronter les citoyens aux réalités du 21ème siècle qui peut contribuer à sortir la Suisse du marécage populiste.

La violence rappelle que les Suisses sont des citoyens européens

L’horreur rend dérisoires des questions que le confort laisse croire essentielles. Au vu des attentats de Paris, le tourment de la Suisse qui se demande chaque jour par quelle astuce juridique elle pourra rester hors de l’Union européenne tout en profitant de son marché et de sa protection devient pitoyable.
Aujourd’hui, la seule frontière pertinente pour les citoyens de notre contient est celle qui sépare la liberté de la terreur, la justice de la violence, le respect de la haine. Ni la sécurité, ni la démocratie ne peuvent être préservées par des Etats isolés, cloisonnés, enfermés dans leur nationalisme respectif. La défense de nos valeurs et de nos modes de vie dépend des coopérations à l’échelon européen.
Nous, Suisses, depuis la nuit des temps, nous sommes faits des problématiques et des cultures qui nous entourent. Nos langues, nos histoires, nos vies, nos peurs, nos ambitions, nos politiques, nos faiblesses, nos richesses sont profondément intriquées dans celles de nos voisins.
Ainsi, même s’il le nie, chacun d’entre nous est par nature à la fois citoyen suisse et citoyen européen. Jamais l’un sans l’autre, toujours autant l’un que l’autre. Ainsi, le refus de siéger à Bruxelles ne place pas la Confédération hors de l’Europe, mais dans une situation insensée, qui réduit ses capacités d’influence sans diminuer ses dépendances.
Or, demain, pour défendre nos intérêts face aux problématiques globales du siècle, nous aurons plus que jamais besoin d’être intégrés dans les décisions et les solutions relevant de notre continent.
A dessein, les attentats de Paris ont visé des quartiers libres, légers, rebelles, vivants, curieux, voltairiens, cosmopolites. Ce sont les nôtres, en tant que Suisses et Européens. Et cette double appartenance ne peut être vécue que dans l’Union.

Bienvenue aux banquiers pro-européens !

« Nous allons voter pour des gens qui n’auront pas parlé d’Europe ! » a déploré Patrick Odier, dans Le Matin Dimanche du 27 septembre. Juste, l’indignation du président de l’Association suisse des banquiers interrogé par Ariane Dayer, rédactrice en chef, est légitime. Tristement, la question européenne est la grande absente de la campagne électorale, alors que le destin de la Suisse sur son propre continent se jouera durant la prochaine législature.
Toutefois, cette belle lucidité venant d’une corporation qui a largement contribué au marasme actuel ne manque pas de piquant. Pendant des années, les banquiers n’ont guère parlé d’Europe, si ce n’est pour la vilipender. Dans leurs analyses, l’intégration constituait souvent une attaque insupportable du secret bancaire, source éternelle de prospérité et fondement identitaire de la Confédération. Sur la place publique, ils célébraient volontiers l’action de l’UDC, tout en fustigeant les partisans de l’ouverture, traitres à la place financière.
Aujourd’hui, les apprentis sorciers qui ont désinhibé les nationalistes ne les contrôlent plus. L’europhobie a passé dans l’ADN citoyen. La Suisse a brisé la libre circulation des personnes en votation. Le naufrage des accords bilatéraux et l’isolement du pays sont devenus des risques réels.
« Nous n’avons pas réussi à faire comprendre à chacun, individuellement, en quoi les relations avec l’Union européenne sont un avantage dans sa vie quotidienne » ajoute Patrick Odier. Exact, cette pédagogie devient une priorité absolue pour avoir une chance d’éviter l’isolement lors d’une prochaine votation. Bienvenue aux banquiers sur un vaste chantier sociétal, que les pro-européens n’ont jamais délaissé, malgré les critiques et leur manque de moyens.
Autrement dit, il est impératif de reconstruire un discours clair et audible, qui valorise sans ambiguïté le projet européen. Le vieux truc du Conseil fédéral consistant à demander aux citoyens de dire « oui à un accord limité » pour mieux dire « non à une Europe menaçante » ne fonctionne plus. Cette tactique perverse n’a servi qu’à nourrir un ressentiment, dont le 9 février 2014 a montré l’ampleur.
Ultime précision, le nouvel élan en faveur de l’intégration européenne ne doit pas se limiter à vouloir « sauver les bilatérales », par une quelconque astuce juridique. Il convient au contraire de promouvoir des relations étroites avec l’Union, qui n’excluent pas à terme une participation politique pleine et entière de la Suisse.
En effet, la relation bilatérale est morte dans sa forme actuelle. L’empilement d’accords sectoriels et statiques n’a plus d’avenir. Nos partenaires ne signeront plus aucune convention sans un nouveau cadre institutionnel transversal, sécurisant de manière globale la reprise et l’interprétation du droit européen.
Conscient que les temps ont changé, le Conseil fédéral a fait d’un tel accord-cadre son nouvel objectif. Mais ce cœur artificiel verra-t-il le jour ? Techniquement, ses mécanismes ont bien des chances de réduire définitivement la Suisse à un membre passif de l’Union. Politiquement, son acceptabilité paraît mince pour des citoyens qui ont déjà mis à mal le statu quo.
Au final, ce fameux accord-cadre risque d’être à la voie bilatérale ce que la stratégie Rubik fut au secret bancaire : une tentative de rappeler à la vie un cadavre, que même une foi ardente ne pouvait matériellement faire sortir du tombeau.
Demain, la Suisse n’aura peut-être plus que le choix entre deux options : l’isolement ou l’adhésion. Un tel dilemme pourrait se présenter, même si l’opinion le craint par dessus tout. Le PLR refuse catégoriquement de l’évoquer, comme si le seul fait de le nommer favorisait son apparition. Il fait de l’accord-cadre le Saint Graal, dont la quête interdit toute autre démarche. Ce credo est d’ailleurs un indice supplémentaire, révélant que la cause est douteuse.
Banquiers, entrepreneurs, intellectuels, artistes, chercheurs, citoyens, associations, partis, de gauche ou de droite, toutes les forces peuvent concourir à lutter contre un isolement de la Suisse devenu un réel danger. Mais rien d’utile ne sera fait, si le discours européen est enfermé dans un juridisme étriqué ou dans l’illusion d’un éternel non-choix. Ces artifices ont forgé l’échec actuel. Leur éradication est un préalable au succès.

RASA ou le temps des décisions claires

Crédule, la Suisse a suivi les chimères de l’UDC. Divinisant la démocratie directe, elle s’est fragilisée par des votations multiples aux conséquences incertaines. Diabolisant l’Europe, elle a saboté ses relations avec l’Union. Détournant l’histoire, elle s’est réfugiée dans des mythes passéistes.

Or, l’UDC est une machine à perdre! A terme, son action est vouée à l’échec. Parce qu’ils sont insensés, ses objectifs n’ont aucune chance de se réaliser durablement. Située au cœur du projet européen, la Suisse ne pourra jamais s’en affranchir. Soucieuse de sa stabilité juridique, elle devra réguler sa démocratie directe. Urbaine, elle ne redeviendra pas une petite méritocratie alpine.

Toutefois, l’UDC a la capacité d’entraîner, même provisoirement, le pays au fond d’un ravin, dont il sera très pénible de sortir. En fait, comme pour tous les mouvements populistes, la question n’est pas de savoir si les nationalistes suisses échoueront, mais quand ils seront mis hors d’état de nuire et au terme de quelles déprédations.

C’est tout l’enjeu des élections fédérales 2015. En effet, la prochaine législature sera décisive. Dans quatre ans, soit la Suisse aura reprit son intégration européenne, rénové sa démocratie et retrouvé le goût de l’innovation. Soit elle aura poursuivi ses régressions politiques et mentales, avec de graves conséquences économiques et sociales.

La Suisse déteste choisir. Elle croit toujours le statu quo préférable au moindre mouvement. Elle privilégie les demi-mesures même quand celles-ci n’apportent rien. Le problème est que certaines périodes de l’histoire exigent des orientations claires et précises. Pendant de longues années, la Suisse a pu naviguer à vue, marcher à reculons, tenter de gérer ses pulsions nationalistes sans les combattre. Cette procrastination politique n’est plus possible.

L’initiative RASA illustre parfaitement ce phénomène. En demandant une abrogation pure et simple des dispositions constitutionnelles contre l’immigration adoptées le 9 février 2014, elle propose une solution drastique. Ce n’est pas par hasard qu’une démarche aussi tranchée apparaît maintenant sur la scène politique. D’une part, les normes voulues par l’UDC ont créé un imbroglio ingérable. D’autre part et surtout, la Suisse ne peut plus tergiverser : elle doit choisir entre faire cavalier seul ou s’associer à l’Union, se recroqueviller dans un conservatisme nostalgique ou devenir un Etat moderne.

Certes, la brutalité de RASA rend son acceptabilité délicate, mais elle comporte aussi un triple mérite. Premièrement, elle préserve une issue de secours, quand toutes les pistes visant à concilier la restriction de la libre circulation des personnes et le maintien de la voie bilatérale s’avèreront impraticables. Deuxièmement, elle rappelle de manière tangible que la moitié des citoyens a refusé les propositions de l’UDC, constat susceptible de donner un peu de courage à un Conseil fédéral qui en manque tant. Troisièmement, elle indique que le peuple peut toujours revenir sur ses propres décisions, notamment quand il a été induit en erreur par une votation préconisant des contingents sans dire ouvertement que leur introduction entraînerait de facto la rupture des accords signés avec l’UE.

Cet automne, les citoyens devraient s’interroger sur l’UDC avec une netteté similaire à celle adoptée par la démarche RASA. Compte tenu des enjeux de la prochaine législature, n’est-il pas urgent d’organiser la décrue de la formation populiste? L’attentisme est-il encore possible ? Ne faut-il pas trancher dans le vif et donner une victoire sensible aux partis classiques ? N’est-ce pas du masochisme que de prolonger une calamiteuse domination d’un nationalisme haineux, qui ne produira jamais la moindre solution ?

Pour sortir de la crise européenne, l’issue risque bien de se nommer RASA. Pour éviter que la Suisse tombe au fond du ravin populiste, il convient de réduire nettement les effectifs de l’UDC aux Chambres fédérales. Le temps des décisions claires est venu.

Pour une vraie leçon de démocratie européenne

« Donner une leçon de démocratie à l’Europe », telle fut l’ambition d’Alexis Tsipras en organisant un référendum sur ses négociations avec ses créanciers.

Certes, nul ne conteste le droit des citoyens de se prononcer sur leur avenir ! La Grèce est exsangue. Elle étouffe sous une dette qu’elle ne peut rembourser. Une cure d’austérité drastique a mis son économie au tapis. Les drames sociaux se multiplient. Une sortie de crise devient chaque jour plus urgente. A l’évidence, la volonté populaire ne saurait être écartée de la recherche de solutions équitables et efficaces.

Toutefois, si la démocratie joue un rôle clé dans une société en danger, son exercice n’est pas sans exigence. En particulier, le recours au vote direct du peuple réclame de nombreuses précautions. Premièrement, la question posée doit être claire, stabilisée, susceptible de faire l’objet d’une information compréhensible. Deuxièmement, les partis, les associations, les médias et les citoyens doivent avoir le temps de développer leurs arguments, débattre et se faire une opinion. Troisièmement, condition essentielle pour que le peuple ne soit pas abusé, il est impératif que les principales conséquences d’une approbation ou d’un rejet soient connues.

Malheureusement, la démarche de M. Tsipras n’a pas satisfait à ces exigences. La question posée touchait une négociation en cours. L’opération fut conduite à la hussarde. Les conséquences réelles d’un oui ou d’un non étaient parfaitement ignorées, même du gouvernement. Dès lors, quel pouvoir a reçu le peuple grec, sommé de choisir entre deux chemins dont personne ne pouvait dire où ils menaient ?

En fait, le premier ministre grec n’a pas organisé un référendum, mais un plébiscite. Il n’a pas confié à son peuple une prise de décision, mais a exigé de sa part un acte de foi. Il ne lui pas donné la parole, mais a utilisé sa voix pour renforcer la sienne, dans une volonté d’augmenter son propre pouvoir. Cette instrumentalisation brutale est violente. Elle met les citoyens au service du gouvernant et non l’inverse. Elle les conduit en outre à cautionner l’inconnu. Quel sera l’état d’esprit des votants qui ont cru mettre fin à l’austérité si elle perdure, soit parce qu’Alexis Tsipras finit par accepter les demandes des créanciers, soit parce que la Grèce, même allégée de ses dettes, ne sort pas de la crise économique ?

Par ailleurs, le gouvernement Tsipras a organisé une asymétrie dangereuse entre un peuple grec présenté comme pur, juste, noble, victime, humilié et des dirigeants européens qualifiés d’arrogants, prédateurs, criminels. Déchaîné, il n’a pas craint d’assimiler les représentants des institutions créancières à des terroristes. Manichéen, il a peint d’un côté des prolétaires en révolte, de l’autre des élites illégitimes. Or la crise actuelle n’oppose pas un peuple à des bureaucrates, mais des peuples aux intérêts tous respectables. Dans cette optique, chaque Etat membre de l’Union peut organiser les votations qui lui conviennent, mais en restant conscient que leurs résultats ne s’appliquent pas automatiquement aux autres. Hélas, avec un simplisme attristant, la dramaturgie grecque a effacé les Portugais, les Italiens, les Français, les Polonais et tous les autres Européens. Quant aux Allemands, ils n’ont pas semblé constituer un peuple, ni même des êtres humains. Leur existence a paru réduite à une « puissance néolibérale » ou à la « dictature Merkel ». Question embarrassante, quelle serait l’attitude des travailleurs allemands si, par souci de démocratie, leur gouvernement les interrogeait sur la gestion de la dette grecque ?

Il est significatif que le plébiscite de M. Tsipras ait suscité l’enthousiasme de la gauche radicale, notamment française. Pour elle, la démocratie se résume à renverser la table, monter aux barricades, prendre la Bastille. De manière romantique, elle limite la participation du peuple à la séquence où il dépose le roi, pour ceindre à sa place la couronne de souverain.

Toute autre est la vraie démocratie. Pacificatrice, elle commence après la guerre, pour que celle-ci ne se reproduise plus. Mesurée, elle ne dresse pas les citoyens contre leurs dirigeants, mais organise leur dialogue. Permanente, elle dépasse l’addition de scrutins, pour instaurer un processus complexe de discussions et de consultations. Protectrice, elle construit des majorités, sans écraser les minorités. Humble, elle régit un territoire, tout en reconnaissant la valeur des démarches similaires autour d’elle. Vivante, elle encourage l’affrontement passionné des idées et des programmes, mais écarte par principe la violence.

Une telle culture de la décision collective, toujours turbulente, jamais destructrice,  fait encore défaut à l’échelon européen. Le Parlement et les autres instances démocratiques n’ont pas transcendé les invectives nationales. Or, sur notre continent, la défense des intérêts légitimes des peuples peut s’effectuer dans le respect d’une conscience européenne forte. La crise grecque livrera-t-elle demain cette vraie leçon de démocratie ?